Le projet concerne deux classes de deuxième secondaire avec cette spécificité que 75% des élèves concernés par le projet sont en Belgique depuis moins de trois ans et proviennent de pays aussi variés que la Syrie, le Pakistan, l’Afghanistan, le Brésil, la Roumanie, l’Albanie… .
Le projet vise un triple objectif :
Développer le plaisir de lire chez des élèves a priori éloignés de la lecture. Les élèves choisiront les textes en fonction de leurs goûts et de leur niveau de maîtrise du français.
Développer chez les élèves l’aptitude à vivre dans des situations pluriculturelles, notamment en leur apprenant à se décentrer par rapport à leur culture d’origine. La littérature a ce pouvoir de constituer un espace de rencontre des différentes cultures.
Développer l’expression orale des élèves en les mettant en situation de devoir défendre oralement le choix d’un ouvrage et de faire une mise en voix d’un extrait de leur choix grâce à l’aide d’un comédien professionnel.
Retour d'expérience
Une autre réalité
Ecrire n’est pas anodin. Lire n’est pas anodin. Parler le français n’est pas anodin.
En fait… être plongé dans une culture différente de la sienne n’est pas anodin.
C’est pourtant la réalité des élèves que j’ai rencontré ce mardi 30 janvier à l’Institut Technique Cardinal Mercier – Notre Dame Du Sacre-Coeur de Schaerbeek.
Les élèves de la classe de Giuseppina – professeure de français – sont, pour la plupart, depuis moins de trois ans en Belgique.
Deux d’entre-elles ont rejoint le cours depuis moins d’un mois.
La classe de Giuseppina compte 20 élèves. 20 filles. Parmi elles, un beau mélange de plusieurs nationalités se côtoient. 11, pour être exact.
Ajoutons à cela des niveaux de français très variés.
Pour aider les filles à apprécier la lecture, Giuseppina est aidée de deux acolytes, Marie-Ange – coordinatrice du projet Victor – et Renaud, comédien.
Nous faisons connaissance avant que les filles arrivent. Lors de notre petite réunion juste avant que les cours reprennent, Marie-Ange et Giuseppina m’expliquent que les filles sont motivées, mais qu’il y a vraiment beaucoup de travail à fournir.
Le projet prend d’ailleurs plus de temps que prévu.
Initialement composé de 6 séances, la mixité de la classe face au français ralentit un peu la cadence. Pas de quoi se décourager pour autant.
Il est 12h50, le temps de midi est fini, c’est l’heure de reprendre les cours.
Les filles arrivent. Tout le monde s’assoit en U pour écouter Renaud.
L’objectif de ce cours est de donner aux élèves l’envie de lire, pour qu’à la fin du projet, elles aient à leur tour le goût de présenter « leur » livre.
Marie-Ange et Giuseppina ont pris le soin de choisir au préalable des livres qui ont pour thème « l’exil ».
Un thème qui leur parle. Un thème dont elles ont peut-être envie de parler.
Les filles sont timides. Le projet est ambitieux, pourtant l’enthousiasme et la foi de leur professeure en elles est tangible.
« Je sais que certains livres choisis par les filles sont sans doute trop ambitieux pour elles, mais je n’ai pas envie de les casser dans leur motivation » explique Giuseppina.
Pour les préparer à l’objectif final, qui est celui de présenter « leur » livre face à la classe, Renaud part de la bande dessinée « L’arabe du futur » de Riad Sattouf.
L’exemple est bien trouvé. Les images parlent parfois plus que les mots.
Elles doivent lire à haute voix les phylactères mais dans le même temps peuvent commenter les images.
Cela les intéresse, mais certains mots qu’elles lisent semblent sonner creux à leurs oreilles.
Je pense que c’est parce que les phrases sont parfois écrites dans un « mauvais » français.
Le sentiment que j’ai dans cette classe est celui d’une volonté d’être tiré vers le haut.
Les filles veulent se dépasser.
J’ai l’impression que le projet Victor peut être une porte d’entrée dans un monde qui nous permet de quitter notre réalité du quotidien pour nous confronter à d’autres réalités.
Philippine de Bidlot – 01 février 2018